mardi, octobre 31, 2006

Hallowe'en en Irlande

Après plusieurs mois à courir de pierres en arbres et de mer en montagnes, il était temps de revenir faire un tour du côté de mon blog. Au moins pour marquer la nuit ténébreuse où se promène à travers vallées et collines tout le gratin de l'au-delà.
Rien d'américain dans la fête celtique par excellence qui marque la fin de Samhein. Tout est au contraire d'un paganisme divinement européen.. les pubs sont pleins à craquer depuis quatre jours, les tambours résonnent dans la plaine et surtout dans les rues de Clonakilty, et corbeaux et corneilles semblent encore plus présents que d'habitude.

D'une abstinence quasi totale ces temps-ci, (j'ai même pris un jus de tomate dans mon "local" préféré, l'autre soir), je comptais bien en profiter pour jouer la vieille sorcière, pour une fois que je serai passée inaperçue. Raté. Travail du soir sans espoir, et prise de sang demain matin, 12 heures à jeun... ce sera pour l'année prochaine.

Qu'importe. De ma maison dans les collines j'aperçois des formes étranges auréolées de brume blanche, et j'entends les sons d'une nature loin d'être au repos. Le ciel de la nuit s'éclaire parfois d'un coup de lune et devient bleu turquoise, le pré montre alors les secrets de la nuit d'Hallowe'en: toutes ces créatures ouatées qui bougent lentement, sans bruit, en attendant de repartir vers le néant du petit matin. L'Outer World est là, partout autour de nous. Druides et fées, sorcières et leprechaums, parmis eux, peut-être Cessair et Fintan? qui sait.

Hallowe'en en Irlande? encore et toujours du bonheur. A déguster sans aucune modération.

dimanche, octobre 22, 2006

Octobre, déjà!

Dimanche 22 octobre 2006

Voilà précisément 10 mois et 22 jours que je vis dans le pays de mes rêves d'enfant. Après le bleu de l'hiver, j'ai connu le jaune du printemps et le rose de l'été, et me voilà déjà dans les rousseurs de l'automne... les jours se sont succédés à une vitesse affolante.

L'Irlande est un pays magique, qu'importe le temps - qui a été superbe cet été, après un printemps plutôt.. humide. Mais au pays du vent, les nuages s'en viennent et s'en vont à une allure record, la pluie et le soleil sont des complices de longue date et sont les ingrédients complémentaires d'une palette de couleurs inimaginables ailleurs.

Peintres, poètes, écrivains en mal d'inspiration, c'est ici que vous devriez venir vous ressourcer, pas dans les îles lointaines toujours égales à elles-mêmes.. le sublime finit toujours par lasser.

Les premiers préparatifs de Noël commenceront bientôt, dès le lendemain d'Hallowe'en, fête celtique, Irlandaise et donc européenne s'il en est, n'en déplaise à ceux qui savent tout sur tout et s'imaginent qu'il ne s'agit que d'un canular made in USA.
J'ai acheté ma citrouille, comme tout le monde, et demain je me procurerai un sac de bonbons pour les petits diables qui se laisseront prendre à sa lumière. De la chair orangée je ferai la meilleure des soupes d'automne avant de me déguiser en vieille sorcière, n'ayant plus vraiment l'âge (hélas) de jouer la fée Clochette.

La fête sera partout, la semaine prochaine. Chaque village réunira ses anciens et ses enfants, ses adultes et ses adolescents, ses sportifs et ses invalides, ses célibataires et ses couples, pour l'un de ces rassemblements chaleureux dont les Irlandais semblent avoir le secret. Comme d'habitude, on dansera et on rira, on chantera et on boira sûrement un peu, et on se tiendra chaud, à l'abri des ondées et du vent. Et on se sentira plus fort de faire partie d'une communauté qui semble encore attacher de l'importance à chacune de ses composantes.

Mais cela n'arrive pas que le soir d'Hallowe'en.. ici tous les prétextes sont bons pour se retrouver. Festivals divers, anniversaires, communions.. tout le monde se retrouve régulièrement au pub local, après avoir participé aux préparat

Octobre, déjà!

Dimanche 22 octobre 2006

Voilà précisément 10 mois et 22 jours que je vis dans le pays de mes rêves d'enfant. Après le bleu de l'hiver, j'ai connu le jaune du printemps et le rose de l'été, et me voilà déjà dans les rousseurs de l'automne... les jours se sont succédés à une vitesse affolante.

L'Irlande est un pays magique, qu'importe le temps - qui a été superbe cet été, après un printemps plutôt.. humide. Mais au pays du vent, les nuages s'en viennent et s'en vont à une allure record, la pluie et le soleil sont des complices de longue date et sont les ingrédients complémentaires d'une palette de couleurs inimaginables ailleurs.

Peintres, poètes, écrivains en mal d'inspiration, c'est ici que vous devriez venir vous ressourcer, pas dans les îles lointaines toujours égales à elles-mêmes.. le sublime finit toujours par lasser.

Les premiers préparatifs de Noël commenceront bientôt, dès le lendemain d'Hallowe'en, fête celtique, Irlandaise et donc européenne s'il en est, n'en déplaise à ceux qui savent tout sur tout et s'imaginent qu'il ne s'agit que d'un canular made in USA.
J'ai acheté ma citrouille, comme tout le monde, et demain je me procurerai un sac de bonbons pour les petits diables qui se laisseront prendre à sa lumière. De la chair orangée je ferai la meilleure des soupes d'automne avant de me déguiser en vieille sorcière, n'ayant plus vraiment l'âge (hélas) de jouer la fée Clochette.

La fête sera partout, la semaine prochaine. Chaque village réunira ses anciens et ses enfants, ses adultes et ses adolescents, ses sportifs et ses invalides, ses célibataires et ses couples, pour l'un de ces rassemblements chaleureux dont les Irlandais semblent avoir le secret. Comme d'habitude, on dansera et on rira, on chantera et on boira sûrement un peu, et on se tiendra chaud, à l'abri des ondées et du vent. Et on se sentira plus fort de faire partie d'une communauté qui semble encore attacher de l'importance à chacune de ses composantes.

Mais cela n'arrive pas que le soir d'Hallowe'en.. ici tous les prétextes sont bons pour se retrouver. Festivals divers, anniversaires, communions.. tout le monde se retrouve régulièrement au pub local, après avoir participé aux préparatifs. Et c'est sans compter les "stations", où un prêtre est invité à dire la messe dans une maison que l'on nettoie, rénove et repeint pour l'occasion, où l'on fait cuire des masses de pains, de tourtes et de gâteaux pour nourrir le quartier, invité au rituel et aux libations qui suivront.

J'emploie le terme de quartier, il s'agît plus peut-être de l'équivalent des "lieux-dit" français. Il faut survoler la France et l'Irlande par temps clair (pas évident!), ou se souvenir de nos campagnes d'il y a 50 ans pour en comprendre l'importance.
Et se souvenir que la République d'Irlande compte moins de 5 millions d'habitants, Dublin compris, soit au total l'équivalent de Paris intra-muros. A de rares exceptions près, les maisons ne sont pas regroupées au sein de villages, avec des places, des rues et des numéros sur les portes: elles sont au contraire extrêmement disséminées sur l'ensemble d'un territoire dont chaque portion est rattachée à un "lieu-dit" ou quartier, lui-même souvent rattaché à un hameaux, lequel fait partie d'un village. Nous avons d'excellents facteurs en Irlande! Mais mon adresse est un casse-tête pour ceux qui m'écrivent.. (6 lignes, en plus de mon nom).

Difficile de parler des maisons sans évoquer le réseau inextricable des routes qui les relient... Il n'y a pas une seule carte routière, même d'état-major, pour les indiquer toutes. Et pour cause, de nouvelle maison en maison nouvelle, fièrement implantées au milieu des champs et des collines, les petites routes creusés par les "bâtisseurs" se surajoutent en permanence aux anciennes.
Le vrai bonheur, ici, est d'avoir le temps de se perdre au milieu de nulle part pour le plaisir d'emprunter l'une de ces délicieuses routelettes qui serpentent allègrement dans un dédale de buissons d'ajoncs et de fushias, en priant le ciel pour ne pas avoir à croiser un autre illuminé ou un tracteur, s'arrêter pour laisser passer un convoi de vaches ou le mouton sorti de son pré, puis de se retrouver éperdu de bonheur en haut d'une colline, entre ciel et mer...

Ici, sorti des routes principales - et encore! - on se perd tout le temps, et on ne se perd jamais. Les routes finissent toujours par vous amener quelque part, et les panneaux coulissants sur leur poteaux arrondis indiquent généralement la direction du dernier coup de vent...
Et il est totalement déconseillé de demander le nombre de kilomètres entre deux lieux. On compte en temps, jamais en kilomètres. De toutes façons, une partie des panneaux étant encore en miles, personne ne vous donnera la même distance.

Difficile de survivre en Irlande sans une voiture. Ma jolie bicyclette dort dans un hangar, je la regarde souvent avec nostalgie en me promettant régulièrement de l'emmener de nouveau pour une de ces ballades magiques de mes débuts irlandais. Mais les routes irlandaises sont décidément bien dangereuses.. le nombre de morts dépasse ici l'entendement.

Serai-je en voie de devenir totalement agoraphobe? Dès que je le peux, je fuis mon village de Clonakilty, et file vers le bonheur absolu la péninsule de Béara. Presque ignorée des touristes, fussent-ils Irlandais, Béara s'étend en une longue avancée montagneuse à l'ouest de la route qui va de Glengariff à Kenmare. La montagne et la mer, les arbres et les pierres: Béara est mon paradis irlandais par excellence. L'envoûtement commence réellement dans la Healy Pass, un col creusé dans le roc au siècle dernier, au moment de la Grande Famine, mission meurtrière ayant occasionné la mort de centaines d'ouvriers chargés de sa construction.

Il faut prendre la Healy Pass par le côté County Cork: la route extrêmement sinueuse est le domaine des moutons, qui se couchent volontiers la nuit sur l'asphalte. Le paysage tourmenté est splendide, et les voitures peu nombreuses, heureusement pour les nerfs du conducteur. Lorsqu'enfin on arrive au sommet, accueilli par le calvaire blanc qui veille sur la vallée, c'est un spectacle à couper le souffle, même par mauvais temps. L'impression de plonger directement dans la mer. Loin en arrière-plan, des montagnes bleues; Puis soudain la descente, et la découverte d'un lac au couleurs changeantes, qui se perd vers la mer,
des îles, un ringfort, des buissons de rhododendrons, puis les lacets grisés de la route qui longent des à-pics à peine délimités par des murets parfois minuscules: nous sommes dans le Kerry.

En bas, sur la route qui mène vers Castletownbere, il y le "pas chez-moi" que me prêtent si généreusement un couple d'amis, ma retraite favorite dont je ferais facilement mon lieu de vie si je pouvais travailler dans le coin.
Mais je sais qu'un jour j'habiterai sur Béara.

Voilà... Bilan de ces derniers mois? Rien que du bonheur, même si je hais mon job actuel, mais j'en changerai bientôt.
Ceux que j'aime, et que j'ai laissé en France me manquent, c'est certain. Ma famille, surtout, dont j'aimerai si souvent qu'elle soit là avec moi. Et mes amis, bien sûr. Reste que j'ai également trouvé des amis ici, et même un peu plus.
On ne peut jamais jurer de rien, c'est au moins quelque chose que j'aurai appris avec l'âge. Mais je ne me vois pas partir d'Irlande de sitôt...

Comme quoi on peut tout recommencer après 50 ans...

samedi, février 11, 2006

Des fées et des anges

Heureusement que les week-ends existent... Privée d'un accès internet suffisant pour me permettre de mettre à jour mon cher journal irlandais, j'en ai profité pour me plonger dans des livres, des vrais, ceux qui sont écrits sur du papier, maintes fois consultés, gribouillés par d'autres fous comme moi, sans doute, à la recherche de réponses impossibles parce que non-humaines.

Par ce samedi encore plus gris que la semaine dernière, je profite de la petite pluie qui tombe pour me réfugier dans mes rêves, entre deux essais bien matérialisés par les rugbymen de mes deux pays préférés, car nous sommes en plein match France Irlande...

L'ambiance qui règne dans le bar est quand même un peu morose, malgré la Guiness ! et il n'y a que moi à applaudir aux exploits de "mon" équipe nationale pendant une première mi-temps qui me fait oublier mes pierres et mes anges. En attendant de fêter ce soir victoires et défaites, réunies en une seule troisième mi-temps dans une atmosphere plus chaleureuse, pleine de rires et de musique.

O'Driscoll quitte le terrain sous les applaudissements, et son visage angélique me renvoie aux miens. Des anges et de la création... de Raphaël à Bachelard... de Steiner à Darwin...

En 1918, au cours d'un discours sur les anges, le Suisse Rudolf Steiner dit que l'Homme serait un jour à même de découvrir des forces jusque là insoupçonnées, qui seraient décuplées par certaines manipulations et dont l'utilisation qui en serait alors faite réduirait à néant toutes les connaissances scientifiques et techniques accumulées jusque là...

Faut-il être un initié pour comprendre ce qui nous intrigue de nos ancêtres ? mais cette initiation ne passerait-elle pas plutôt par nos propres rêves ?

Une chose est certaine, c'est que personne n'a pour le moment été capable d'expliquer avec certitude le comment et le pourquoi des pierres levées, y compris des pyramides, et généralement de toute cette utilisation "sacrée" qui a été faite des pierres et parmi elles, du quartz.

L'ouest de l'Irlande, c'est à dire essentiellement les "counties" de Cork et de Kerry, abrite le plus grand nombre de cercles de pierres actuellement recensés dans le monde. L'une de leurs caractéristiques est d'avoir été construits en fonction de données astronomiques très définies à une époque où on n'était pas supposé savoir grand chose sur les astres, et où les croyances en des mondes de l'au-delà étaient suffisamment fortes pour donner naissance à toutes sortes de légendes. Ces légendes sont encore aujourd'hui le fondement de la plupart de nos croyances religieuses, finalement... et qui peut vraiment démêler aujourd'hui la vérité du mythe ?

Comprendre cette histoire si ancienne, et surtout comment des connaissances certaines dans des domaines divers ont pu disparaître en quelques siècles, pour laisser place à un champs de ruines réinventé par les hommes modernes nous permettrait peut-être de vivre mieux ? Et - sait-on jamais - de vivre paix avec nous-même, et avec l'univers ?

Trouve-t-on la vérité dans les légendes ?

Quel bonheur de ne pas être scientifique... de pouvoir rêver, inventer des théories sans jamais devoir les prouver, ressentir sans être tenue de rationaliser ou de matérialiser !

Le secret des anges et celui de l'Atlantide seraient-ils liés ?

La découverte récente d'une nouvelle planète relance les interrogations sur les mystères de l'univers.. ou plutôt des univers.

Existent-ils des univers à l'intérieur d'autres univers ? et des passages oubliés par lesquels se glisseraient parfois quelques formes aux contours imprécis ? Connaissons-nous tous les secrets des ondes et des trous noirs ?

Ici en tous cas, j'aime croire aux fées : elles sont petites et se glissent partout, sous une pierre ou sur une branche d'arbre, dans l'eau de la rivière et dans un rayon de lune, parfois même dans une poche. Et les fées et les anges, c'est pareil, non ?

Une colonne vers le ciel

C'est un dimanche un peu gris, aujourd'hui.. l'un de ceux que l'on ne sait pas vraiment par quel bout prendre pour en faire quelque chose.
Ne rien faire pourrait être une solution, mais non, ça ne marche pas..
Mes pensées partent dans tous les sens, par petits morceaux épars donc stériles.
Et toutes ces questions, et toutes ces non-réponses... dire que je suis la première à dénoncer cette manie bien humaine de vouloir tout savoir, et de ne plus laisser au Mystère sa place pourtant essentielle !

Je suis allée hier à la rencontre de mes rêves de pierres levées, et l'aimable propriétaire de l'une des grandes fermes du coin, tout étonné que quelqu'un lui demande enfin l'autorisation de rentrer sur ses terres, m'a invitée à parcourir les lieux à mon aise et à y revenir autant que je le souhaitais. Il est vrai que son amitié avec mon adorable colocataire a sans doute contribué à cet excellent accueil !

Ce que j'y ai découvert m'apparaît comme un bien si précieux que je n'ai pas voulu le gâcher en y restant trop longtemps.. à moins que ce ne soit la combinaison d'un gros rhume et d'un temps grisailleux qui m'ait fait abdiquer ?

Je n'ai pas envie de tout décrire, pas encore, juste quelques bribes... Une grande enceinte bordée d'un muret de pierres, et au milieu une colonne de 4 ou 5 mètres de haut et d'un diamètre d'environ 15 cm, sans doute rectangulaire au moment de sa construction, et terminée en pointe comme l'obélisque de Louqsor...

Devant la fine et longue colonne, une grosse pierre plate, creusée en son milieu, posée en équilibre sur d'autres pierres. Juste à côté, un rectangle présentant une entrée vers la mer, cerné d'un large muret de pierres sèches recouvertes de mousse et dont certains pans ressemblent de loin à n'importe quel talus d'herbe et de terre. Au milieu de ces ruines, deux pierres plates indiquent clairement à la néophyte que je suis l'entrée d'une excavation qui ne semble pas avoir été dérangée depuis des années. Et partout, des pierres jonchent le sol, parmi lesquels des quartz immaculés de blancheur.

Par quel miracle ai-je accès à un tel trésor, moi qui ne suis ni historienne, ni archéologue, et encore moins scientifique ?

Je voudrais être deux pour pouvoir partager ça... mais je suis seule, alors je m'en vais sur la pointe des pieds. En sachant que j'y reviendrai plus tard, car j'y reviendrai souvent, je le sais.

Derrière un portail, Dan me guette, et me raconte les solstices d'hiver et d'été, les rayons du soleil qui, deux fois par an seulement, illuminent étrangement certains endroits des ruines.
Il m'explique que les fondations que je viens d'admirer sont celles d'une vieille chapelle, il me parle de paganisme et de christianisme, de souterrain inviolé, me dit qu'il attend le moment où il prendra le temps d'explorer un peu plus ces vieilles ruines..
Mais pour l'instant, les seuls visiteurs réguliers sont des bouvillons, des chevaux et des chiens.

Avant de repartir vers le café étrangement civilisé d'où j'écris ces lignes, je suis retournée au cercle de pierres, dont les larges colonnes si imposantes et le quartz central m'intriguent toujours autant. Les boeufs adorent l'endroit, décidément.... et me voilà bientôt debout contre le quartz, au milieu du cercle, dont les pierres manquantes semblent maintenant remplacées par.... 16 magnifiques jeunes bêtes à cornes, à la fourrure épaisse et aux naseaux ronflants, observant sagement chacun de mes mouvements !

Ce fut là un grand moment...

Après cette dernière visite, je me suis transformée en rat de bibliothèque pour tenter de comprendre comment une haute colonne de pierre porteuse d'Ogham, érigée avant les pyramides, d'après Dan, pouvait côtoyer les ruines d'une ancienne chapelle datant des premiers temps du christianisme irlandais.

Rien, si ce n'est la confirmation que ce temple appartenait à une famille locale, dont elle tient l'un de ses multiples noms.

Pas de dates, pas de détails, rien. Pas moyen non plus de savoir quelle pouvait être la taille initiale de cette colonne : nombre d'entre elles se sont enfoncées lentement dans le sol depuis leur érection, celle-ci en a sans doute fait autant ?

Pas grand chose non plus sur cette étrange coupe à trois pétales, taillée directement dans une grosse pierre, juste devant la colonne dont les multiples strates sont polies par les intempéries et par le bétail qui s'y frotte à chaque occasion.

Le propriétaire des lieux m'a dit qu'il ne s'agissait sûrement pas d'une coupe destinée à recueillir l'eau bénite à l'entrée de la chapelle, comme certains le disent, mais d'un mortier utilisé par les celtes pour moudre noix ou grains... Sans doute a-t-il raison. Ma question est de savoir pourquoi ce mortier est-il placé juste devant la colonne ? est-il de la même époque ? ne servait-il pas plutôt à la confection de quelque décoction druidique ? ou bien a un usage totalement différent bien que totalement occulte...

Comme j'aimerai pouvoir ne rien faire d'autre que me poser ces questions et en chercher les réponses dans les livres et dans la terre brune, dans les quartz et dans les étoiles...

Mais demain est un autre jour, n'est-ce pas ? Et qui peut vraiment prédire l'avenir.

dimanche, janvier 29, 2006

Templebryan Stone Cercle

L'Etrange, je veux dire le vrai, celui qui fait soudain palpiter toutes vos terminaisons nerveuses, m'a repris ce matin, presque par surprise.
Clonakilty est un village absolument ravissant, chargé d'histoire, bordé par la mer, et je m'y sens fort bien. Magie des lieux, bien sûr, mais celle-ci n'est pas chargée de cette... électricité, qui met chaque sens en éveil dans l'attente d'un événement pourtant fort improbable.
Non pas qu'il ne m'y soit pas arrivée des choses curieuses.. des rencontres étonnantes, des coïncidences troublantes, des sensations bizarres : mais je les vois maintenant un peu comme des préliminaires, des préparatifs indispensables à une nouvelle étape.

Aujourd'hui, dimanche 29 janvier, je suis enfin partie à la rencontre de "mon" cercle de pierres. Il m'a fallu 29 jours avant de me sentir prête à... l'affronter ? Ce n'est sans doute pas le bon verbe, tant pis.
Comme si j'avais éprouvé le besoin de me sentir suffisamment ancrée dans ma nouvelle vie pour ne pas perdre pied en le découvrant enfin.
Clogh na Coilte druid's cercle. Le cercle druidique de Clonakilty. En réalité, Templebryan stone cercle. Dans mes rêves étranges, j'y avais fait un rêve encore plus étrange dont je me souviens avec un réalisme étonnant de chaque détail.

Tout se mérite, en Irlande, et le cercle de pierres est situé derrière la haute colline sur laquelle s'adosse Clonakilty. Ma bicyclette et moi nous sommes donc alternativement soutenues au cours des 3 kms d'une route étroite et aussi escarpée que les coteaux de Jurançon, mais sans l'aide de ses lacets... jusqu'à ce que les hautes pierres encore dressées s'offrent à la vue, juste derrière le muret qui en ferme l'accès.

La bicyclette offre ici d'énormes avantages par rapport à la voiture : elle offre d'une part la possibilité de se débarrasser du trop-plein de porridge, et d'autre part celle de pouvoir admirer le paysage et de s'arrêter n'importe où, ce qui est exclu en voiture compte tenu de l'étroitesse des routes.

Propriété privée, je le savais déjà. A travers mes gants, je ressens déjà un grésillement bien connu... il me faut d'urgence trouver le propriétaire des lieux, lui expliquer ma quête, le convaincre de m'octroyer un laisser-passer..
Mais quelle désolation de constater que l'un des plus beaux cercles druidiques d'Irlande soit conservé en plein champ cultivé. Le tracteur a laissé ses traces en passant tout près de l'une des énormes pierres levées. Combien il y en avait-il à l'époque de leur gloire ? le tracé du cercle montre à l'évidence que certaines manquent à l'appel, sans doute purement et simplement fracassées en mille morceaux pour être ensuite utilisées pour la construction d'un mur ou simplement parce qu'elles étaient gênantes.. Parce qu'elles sont sur un terrain privé, les pierres ne figurent sur aucune carte postale : elles sont cependant visible sur http://www.megalithics.com/ireland/tempbryn/tempmain.htm.

Après un moment, je continue donc ma route en direction du hameau tout proche, vers le traditionnel pub : hélas encore fermé.

Une fois dépassé le cercle de pierres, mes premières impressions ne sont pas des plus enthousiastes : des pavillons un peu trop modernes, des fermes, quelques bâtiments en tôle ondulée, des camions et des tracteurs garés un peu partout dans des cours peu rutilantes d'où aboient quelques gentils toutous... et partout, la terre retournée, et des pierres éparpillées ça et là, de toutes les tailles, de toutes les formes. D'où je suis, certaines d'entre elles semblent.. "différentes". Le sont-elles ? Mon coeur se serre à la vue de ce paysage qui a du être tout autre voilà quelques milliers d'années, et certainement couvert d'arbres jusqu'à l'arrivée des Anglais.

Pourtant, dans cet endroit infiniment moins joli que Clonakilty, je ressens à présent toute l'émotion que j'étais venue y chercher.

Puis j'arrive à un pont, un très beau et très vieux pont de pierres, sous lequel coule une rivière enchantée dont je ne connais pas encore le nom. Le miracle se produit, il y a un accès à sa rive herbue bordée de roseaux, et mieux encore, une énorme chêne moussu, dédoublé à sa base, qui tend d'immenses branches encore dépourvues de feuilles en direction d'une cascade délimitée par des blocs de pierres. Personne à la ronde, à part les oiseaux qui chantent le printemps à venir dans les rayons caressants du soleil... Assise sur petit muret sous l'arbre sacré, j'oublie tout le reste et ne vois plus que les arbres, l'herbe, les pierres, le ciel. Il faudrait aussi que je puisse oublier que l'Homme est un destructeur né et un prédateur impitoyable, mais c'est plus difficile. Mais après tout, une fois l'Homme parvenu en ces lieux, il fallait bien qu'il s'y fasse une place, planter et cultiver pour nourrir sa famille..


Toutes sortes de sensations bizarres m'envahissent, maintenant, sans que je puisse les décrire, ma tête me fait mal, j'en pleurerai presque. Pour me détendre, j'ai sauté à bas du muret pour aller contempler l'eau de tout près, avant de retourner m'asseoir, ordinateur en équilibre sur les genoux.. mais peine perdue, mon corps n'est plus qu'un courant électrique, je suis aux aguets.. mais que pourrais-je bien attendre ?

Fermer l'ordinateur, reprendre la bicyclette, aller à la rencontre des gens et des lieux, chercher peut-être à me loger ici ? Anne, ma co-locataire est adorable, un cadeau du ciel.. mais tôt où tard, je sais que j'aurai besoin d'un endroit tout à moi, aussi petit qu'il puisse être. Le moment est peut-être venu : Pourquoi pas ici ?

Le pub est ouvert, la discussion s'engage, et j'en ressors nourrie d'une demi pinte de Guiness et d'informations diverses : j'ai à présent le nom de l'heureux propriétaire des pierres levées de Templebrien ou Templebryan - pas d'orthographe définie, semble-t-il - et quelques adresses de loueurs éventuels, tout est bien. Je ne veux pas aller plus avant dans ma quête aujourd'hui, peut-être pour savourer lentement l'intensité de chaque moment... cette fois encore, je laisserai faire le destin.

samedi, janvier 28, 2006

Atlantique

Regarder de tous ses yeux un paysage, et se dire qu'on donnerait tout pour habiter en ce lieu qui nous paraît si féerique..

N'avons nous pas tous fait ce rêve à un moment ou un autre ?

Je n'ai pas pu m'empêcher de verser une petite larme, ce matin, devant ce spectacle qui me semble encore irréel.. Une maison en ruine, qui me fait encore penser à une autre ruine dans cette forêt magique, du côté de là-bas, un petit pont de pierres, quel âge peut-il avoir ?

J'ai trouvé mon coin de paradis, un petit port tout près de Clonakilty, une jetée qui abritent quelques bateaux à voile, à moteur ou de pêche, un pub d'où on voit la mer entrer et sortir de la baie depuis la terrasse en bois. C'est ici que je passe maintenant le plus clair de mon temps libre, accompagnée de ma jolie bicyclette verte, d'un sac à dos alourdi par mon ordi mini préféré et d'un peu de fromage et de pain que je partagerai tout à l'heure avec la gent ailée.

A quelques mètres de moi, trois cygnes viennent de prendre leur envol dans un bruit assourdissant, et vont se poser sur un îlot de sable encore abandonné par la marée montante, entre les collines vertes et brunes.

Combien d'espèces d'oiseaux cohabitent-elles ici ? Ils se promènent par groupes au ras de l'eau, crient, sifflent et chantent à qui mieux mieux. J'ai noté leur nom anglais, reste à trouver leur traduction française pour en apprendre un peu plus sur eux.. mais est-ce vraiment nécessaire ? L'important n'est probablement pas de connaître le nom que leur ont donné les Hommes : les regarder, les écouter, voler avec eux dans un rêve qui dépasse la réalité du moment, voilà ce dont je veux vraiment profiter.

L'océan envahit lentement dans la baie, et de là où je suis j'aperçois les vagues blanches venues du large éclabousser les récifs qui en gardent l'entrée.

D'aucun à l'oeil d'aigle et à la plume aussi acérée que la serre dudit oiseau m'ayant fait remarquer quelque "personnalisme" oublié dans l'épisode précédent, je me pose la question : est-ce qu'on écrit pour soi, ou pour faire partager ses émotions à d'autres ? Il est vrai que je pense souvent à l'un, l'une ou l'autre en jetant mes sensations du moment sur ce blog. Paradoxale recherche effrénée de solitude, et du besoin inassouvi d'être avec ceux que j'aime ! Mais ceux que je ne connais pas et qui me font le très grand bonheur de me lire sont les bienvenus dans ma petite famille, virtuelle ou non.

Les gens d'ici sont comme ça, d'ailleurs. Non qu'il soit facile d'entrer dans leur véritable intimité.. mais tout le monde est toujours "most welcome" pour échanger des idées, discuter de tout et de rien et se tenir chaud au coeur au hasard d'une rencontre dans la rue ou dans un pub. La légèreté de l'être ne me paraît finalement pas si insoutenable...

C'est pareil dans le travail quotidien : cheerful, l'ambiance ! là aussi, bonjour, merci, au-revoir, et toujours des sourires.. on discute dedans et dehors, sur l'herbe verte du parc qui borde le bâtiment, ou dans la cafétéria toujours pleine, et ici comme ailleurs les échanges sont simples, dépourvus de sophistication, que ce soit avec un collègue ou avec qui que ce soit, quel que soit sa fonction. On travaille, aussi, beaucoup ! en promenant partout avec soi les mugs de thé ou de café libéralement offerts par la maison (non, je sais, il y en a qui détestent cette description, n'est-ce pas ? Ne m'interromps pas tout le temps, s'il te plaît.!!! (NDLR : encore un personnalisme, certains sont si tentants... désolée. C'est l'inconvénient de vivre en permanence dans trois ou quatre dimensions différentes..).

Drôle de pays ? certainement, pour ceux qui cuisinent la rigueur à toutes les sauces.

Et le bonheur, dans tout ça ? Il me semble être ici enfin à l'abri de cette notion de "bonheur à tout prix" qu'on essaie de nous inculquer de force dans "l'autre monde" et qui nous rend malheureux, convaincus que nous sommes d'être incapable d'en bénéficier.. Peut-être parce que ce n'est qu'une théorie ? A quoi sert de le chercher partout, sauf là où il est vraiment. Pour l'attraper il suffit parfois de regarder devant soi, les yeux et le coeur bien ouverts, sans autre forme de philosophie.

Prendre les instants comme ils viennent, accepter les moments heureux, pour pouvoir en accepter aussi les moins bons et même les très mauvais, et surtout ne pas se poser de questions sur un avenir qui nous échappe, sous peine de tout gâcher.

Nous possédons tous ce pouvoir, n'en déplaise à ceux qui prétendent le contraire par leur simple refus de se laisser aller.. Inutile de venir en Irlande pour être heureux.. mais si il y a une leçon à retenir de ce pays, c'est bien que l'absence de sophistication qui s'en dégage est une bonne école !

Une grue s'est posée à moins de 2 mètres de moi, sur le muret qui me sépare de la mer. Le moment est étrange, nous nous regardons, qu'essaie-t-elle de me dire ?



samedi, janvier 21, 2006

En direct de l'Irlande

1er janvier 2006 : l'A320 d'Aer Linghus en provenance de Roissy-Charles de Gaulle se pose en douceur sur une piste ensoleillée de l'aéroport de Cork. Me voici arrivée, au terme d'un voyage qui sera sans doute sans retour.

L'Irlande....... Eire, Erin, mon Eldorado, mon Atlantide à moi.

Presque malgré moi, le rêve de 38 ans s'est transformé en une réalité dans laquelle je me plonge avec délectation, même si je me doute bien que tout ne sera pas forcément rose tous les jours dans cette nouvelle vie que je me suis créée.

Mais comment aurais-je pu imaginer que tout irait si vite ? Envoi d'un CV le 6 décembre à deux agences de recrutement Irlandaises,

quatre entretiens téléphoniques, un aller-retour éclair pour deux rendez-vous sur place le 21 décembre, et deux réponses positives le 23 décembre, sous forme de contrats expédiés par email...

On n'est plus habitué à ça, quand on vit en France, surtout lorsque l'on a 50 ans.

Aurais-je bénéficié de quelque soutien occulte ?

Je n'avais jamais entendu parler de Clonakilty, avant de découvrir sur Internet ce mystérieux cercle de pierres qui m'a tellement fasciné que j'y ai consacré un chapître entier de ma tentative d'écriture,(ie "En direct de l'Atlantide") en septembre dernier. Sous son nom gaëlique Cloch nà Coilte.... D'où j'écris ces lignes aujourd'hui. Pourquoi cet intérêt particulier, alors que tout le sud-ouest de l'Irlande regorge littéralement de menhirs et autres pierres levées ?

J'ai postulé pour ce job sans même savoir qu'il était basé sur les lieux de mon rêve.

Mais ce n'est pas tout. Arrivée sans savoir où j'allais me loger, à part le B&B dans lequel je pensais avoir à rester une ou deux semaines au moins avant de trouver quelque chose, il ne m'a fallu que deux jours pour rencontrer Anne.. Ma jumelle à 12 jours près, qui venait de décider le matin même qu'elle souhaitait trouver une colocataire du même âge... Le fait qu'elle passe une partie de son temps en Espagne n'est certainement qu'une coïncidence de plus ?

Bref, voici aujourd'hui exactement quinze jours que je suis ici, et tous mes papiers sont à jour, je suis l'heureuse propriétaire d'une ravissante bicyclette verte, ainsi que d'une voiture, qui pour ne m'avoir coûtée que ... 350 euros ! - n'en est pas moins extrêmement élégante.

Je connais tout le monde ou presque, j'habite une jolie maison bleue, j'ai un pub attitré, des copains, des collègues, un compte bancaire irlandais et un numéro de sécurité sociale, un nouveau téléphone portable... La mer est à mes pieds, le village est ravissant.. Franchement, que pourrais-je vouloir de plus ? à part la présence de ceux que j'aime et avec lesquels j'aimerais tant pouvoir partager tous ces nouveaux bonheurs.

Ici, les rapports humains sont simples. Pas besoin de nouer des liens d'amitiés pour discuter avec l'un ou l'autre ou se saluer dans la rue. La dernière personne à m'avoir parlé de simplicité - en me reprochant d'en manquer, semble-t-il - ferait mieux de venir ici prendre quelques leçons...

Bonjour. Au-revoir. Merci. Trois mots simples, qu'on entend tout le temps, ici, et dont je me rend compte que j'avais perdu l'habitude. Pas besoin d'en faire des tonnes : besoin d'un renseignement ? d'un coup de main ? il suffit de demander. C'est oui, ou c'est non, mais c'est toujours aimable.

En contemplant le paysage qui m'entoure, j'ai l'impression de faire partie d'un tableau souvent admiré, mais de si loin... Tout me parait encore un peu irréel... Se souvenir maintenant, car l'oubli de certaines sensations vient toujours trop vite.

Je dois avoir battu pas mal de records de vitesse.. Ainsi s'est conclue une année 2005 complètement folle. 4 trimestres, 4 vies... des faux départs et des vrais retours, de faux retours et de vrais départs... Puis celui-ci, le vrai de vrai ?

Si seulement on pouvait emmener dans ses bagages ceux que l'on aime, et partager tous les bonheurs avec eux. C'est la seule ombre perceptible de cette nouvelle vie. Mon fils, mon père. Eux d'abord, l'un au commencement de sa vie d'adulte, le second... mais non, ceux que l'on aime ne partent pas, ils n'en ont pas le droit.

Et puis mes amies - et mes amis, qui me manquent, et puis d'autres aussi. Certaines souffrances restent profondément ancrées, je les sens présentes, mais je ne veux pas, je ne veux plus les laisser émerger, qu'elles restent donc scellées au fin fond de mon placard intérieur.

Je me revois sur le quai de la gare de Blois, toute seule avec ma grosse valise orange qui contient presque toute ma vie et que j'ai du mal à embarquer dans le wagon. Il est 07:48, et dans le train qui file vers ce nouvel avenir dont j'ai tant rêvé, je me sens déjà une autre.

Dans quelques heures, c'est un avion qui me portera sur la terre de quelques uns de mes ancêtres... L'Irlande, ses eaux vives, ses vertes vallées et ses paysages gris - bleu - rose sera-t-elle heureuse de me recevoir ? Ou me rejettera-t-elle intraitablement vers un destin que je n'envisage plus ?

J'attends tellement de ce voyage. En même temps, j'ai peur que ce premier contact avec un rêve qui me poursuit depuis 38 ans se solde par le même fiasco qui guette souvent la première nuit de deux amoureux transis...

Faut-il croire à un destin écrit d'avance ?

Comment croire à une coïncidence, quand l'un des rendez-vous les plus importants de ma vie m'attend à Clonakilty ?

Clonakilty, Templebryan stone circle.. un cercle de pierres. En direct de l'Atlantide. Chapîtres XIX et XX.

Est-ce que ce départ est une fuite ? Je me suis souvent persuadée que je voulais fionir mes jours en Irlande. Mais aujourd'hui, c'est pour recommencer ma vie que j'ai pris cette décision de franchir le pas.

Curieux.. je crois que je n'aurai jamais autant cumulé les paradoxes en un laps de temps si court...

La perfection d'un départ sans aucune anicroche ni retard, jusqu'à la minute du check in.. Pas de desk Air Lingus, mais à la place, une équipe généraliste française chargée de gérer l'immense file qui se forme progressivement derrière moi.

Puis, après cette longue attente, au cours de laquelle je rencontre un merveilleux couple Français. un embarquement refusé pour une stupide histoire de papiers d'identité... Méandres européens pas toujours bien assimilés : l'Irlande est euro mais pas Schengen, alors que le Royaume Uni est Schengen mais pas euro. Donc passeport valide pour l'Eire, carte d'identité pour la Grande Bretagne.

Bref, commence alors l'interminable bataille pour obtenir une simple prolongation de passeport, pour avoir une place sur un autre vol vers Dublin, et Dublin Cork, à 10h du soir, je fais comment ? et personne pour répondre, aucune certitude, incompétence ou mauvaise volonté des Français ? cachés, perdus derrière leurs paperasses, incapable de communiquer suffisamment bien en anglais pour parler aux autorités à votre place, mais qui se refusent malgré tout à vous passer un interlocuteur au téléphone...

J'en ai marre, de ce pays. C'est dans ce genre de situation que j'oublie ma moitié française pour ne plus reconnaître que mon sang anglo-irlandais. Pratique à l'occasion de la coupe des Nations.. je gagne presque toujours.

Je sais pourtant bien que l'herbe n'est pas plus verte ailleurs et gnagnagna, mais quand même.

C'est toujours amusant, un aéroport, lorsque l'on prend le temps de regarder autour de soi... une véritable ville, avec ses quartiers, ses habitués, ses mauvais coucheurs, ses nouveaux venus, un peu ou complètement perdus, et bien sûr ses enfants qui courent partout.

Il y a nettement deux sortes de passagers : ceux qui en ont un... et les autres. Le petit miracle technologique est dans toutes les (bonnes) mains, produit de petits sons d'oiseau aussi bien que des dongs retentissants... certains sont silencieux, noirs et sérieux, d'autres gris Tour de la Défense.... puis les blancs, les décorés, les écolos... Et bien sûr, les grands et les petits... Bien sûr il ne s'agit plus du téléphone, mais de l'ordinateur portable. Frime, quand tu nous tiens.

Bientôt l'ivresse du départ, comme toujours ce mélange d'angoisse absolue et l'ivresse de la grander roue..

Grande roue de la vie, de la fortune et des amours.

On a fastené off les ceintures, on n'écoute pas l'hôtesse, on attend juste le décollage, l'instant où tout bascule, follement excitant puisque l'on n'y peut rien.. aucune prise sur les évènements, Inch Allah..

J'ai vu un oiseau noir nager dans l'écume des nuages blancs.. Nous avons quitté un monde, nous en avons retrouvé un autre, fait parfois de plusieurs étages, comme un duplex, parfois la mer est si blanche et si plate que l'on imagine qu'elle ressemble l'Arctique qu'on ne connaît pourtant pas. Parfois au contraire, la ouate effilochée fait penser à la quenouille d'une dentellière. Ici, une paroi, tellement éclaboussée de soleil qu'elle semble l'entrée d'un château merveilleux aux contours ciselés et interminables. Puis des vallées et des rias, là des montagnes, des glaciers et parfois des falaises, des tépuis ? des forêts ?

C'est si beau, et si étrange à la fois... Certains de nos ancêtres sont très certainement venus par la voie aérienne, sinon comment aurait-on pu savoir que le paradis se situait dans le ciel ?

La mer devient maintenant très bleu, beaucoup plus bleu, elle circule entre des lagons d'or, et tout se teinte d'ocre.

Après la mer et ses bateaux, me voilà soudain projetée dans les Bardenas, et de nouveau mon coeur s'effiloche comme les nuages.

07/01/06, voilà exactement une semaine que je suis ici.

A 5 degrés près, cela pourrait être le paradis, du moins l'une de ses anti-chambres. C'est bientôt marée basse, la baie de Clonakilty s'assèche peu à peu, et des myriades d'oiseaux colonisent les bancs de sable à mesure que la mer se retire.

Comme dans mes rêves d'Atlantide, et malgré la grisaille persistante à peine dévoilée par les efforts louables du vent pour chasser les nuages, l'eau promène partout ses reflets irisés, bleu, vert, mauve, rose...

Je suis partie au lever du jour, sur ma jolie bicyclette verte.. Le froid est cuisant, il gèle encore, et ce n'est pas si courant ici. J'ai suivi la petite route qui longe la baie de Clonakilty, les étendues de sable encore découvertes explosaient de lumière et de couleurs chatoyantes, les oiseaux étaient partout : petits et grands, sifflant, hurlant, chantant... des hérons, des grues, des oies, des cygnes, des mouettes, ety plein d'espèces dont je ne connais pas encore le nom. Tu adorerais ça, je crois.

Malgré le froid piquant, je m'installe peu à peu dans ma rêverie.

Assise sur la crête d'une falaise à l'orée des baies qui se couvrent et se découvrent au rythme des marées, j'admire ce paysage dont j'ai si souvent rêvé. Curieusement, je n'arrive même pas à m'étonner d'être enfin là, mon ordi toujours aussi blanc et féminin sur les genoux... je pianote, doigts gantés, emmitouflée dans 3 pulls et un coupe-vent. Ma jolie bicyclette verte posée contre un rocher bleu semble toute neuve... Merci Murph'. Nous sommes aujourd'hui samedi, et tout cela est décidement bien surprenant.

J'ai devant moi la mer, et ses vagues qui explosent contre la roche noire et ciselée. De l'autre côté de l'océan, il y a Brigantia,, en Espagne, d'où les celtes pouvaient parait-il apercevoir l'Irlande.

Puis la mer, la grande, la vraie : l'océan... et le soleil semblant surgir du fond des eaux vertes, laissant derrière lui un lac d'or qui s'éternise au milieu de la brume.

Les vagues sont imposantes, et roulent à l'infini sur la grande plage de sable fin, pour la grande joie de quatre surfeurs courageux. Ici aussi, ils attendent LA vague, mais eux sont déjà dans l'eau glaciale, à moins qu'ils bénéficient de la chaleur du golf stream,

Je crois que je passerai la journée ici, entre la pointe glacée, et l'hôtel de grand luxe dans lequel je me suis réfugiée pour avaler un café bien chaud.

On se prendrait bien pour Hemingway, ici.. sauf pour la vieille Remington, remplacée par le joli petit ordinateur blanc qui me suit partout.

Peut-être tout à l'heure verrais-je des phoques, des otaries, des dauphins, des baleines, même ? Les eaux, le ciel et la terre irlandaises semblent être un paradis pour un nombre incroyable d'espèces maritimes et terrestres.

Je me sens bien ici.